jeudi 14 septembre 2017


 EXTRAIT DE CHRONIQUE DU VIGNERON PAYSAN BENOIT PORTEILLA

« Chemin entres les vignes » histoire d’une Histoire.

 « Je suis née il y a 9O ans en avril 1927 à Dallet, sur les flancs du Puy de Mur. Mon père et ma mère étaient paysans. Mais comme beaucoup, ils étaient aussi vignerons. Ils habitaient au centre de Dallet et moi au bout du chemin de Courvache.  J’ai eu une belle vie. Ils m’ont chérie et j’ai toujours essayé de faire de mon mieux pour qu’ils soient fiers de moi. Ils étaient très présents à mes côtés. J’ai eu quelques soucis de maladies que l’on soignait comme on pouvait à l’époque. Les remèdes chimiques ne sont arrivés que bien plus tard. J’ai eu une fille en 1957.

Dans la famille nous étions de petites tailles. Des « rases bitumes » comme on disait. Ma fille, elle était grande. Bien plus que la moyenne. On la regardait de travers. On se moquait de ses grands « piquets ». Mais elle est ma grande fierté. Elle est toujours restée à mes côtés. Les pieds bien enracinés sur notre volcan. Dans les années 80, mon papa est mort. Mais Joseph, son fils, s’est toujours occupé de moi et de ma fille. Dans les années 90, fatigué par le temps et l’âge, il nous a confiées à deux jeunes gens venus de Bourgogne. Au début, je n’ai pas très bien compris ce qu’il voulait faire de nous. La chimie qui me soignait depuis 50 ans, fut remplacée par des plantes du volcan. Le jeune homme me disait que mes pieds seraient mieux dans l’herbe plutôt que sur une terre vierge de plantes. Les premiers temps, beaucoup dans le village se sont moqués d’eux. Un peu comme ils avaient pu le faire avec ma fille.

Les premiers temps, cela a suscité beaucoup d’interrogations voire d’incompréhensions dans le village. Mais je me suis bien habituée à eux. La demoiselle est partie dans le sud en 2004, et le jeune homme est toujours là…. à nos côtés. Il nous a fait rencontrer les enfants des écoles de Dallet et des villages alentours. Des centaines de touristes sont venus nous voir. Une seconde jeunesse…. !!!

Tout au long de ma vie nous avons eu d’excellents voisins. Notre attachement à notre village nous fit donner le meilleur pour sa réputation. Mais dans les années 80, une maladie est arrivée sur les flancs du Puy de Mur. Petit à petit, mes voisines et mes voisins ont disparu. Autour de moi, plus rien depuis 5 ans. Mais notre petit jeune homme (moins jeune aujourd’hui) s’occupe de nous. Toujours aussi attentif.

Il y a deux jours, il est venu nous parler… à ma fille et à moi. Il avait les larmes aux yeux. Il n’a pas eu besoin d’ouvrir la bouche. J’avais compris. Nous étions condamnées. La maladie qui ravage notre volcan allait avoir nos vies. Je pourrais dire que j’ai vu 90 ans d’histoire de mon cher village. Vous pourrez venir me voir jusqu’en octobre. Mais aussi pour les vendanges.  Je vous ferai goûter ce que je réussi encore à « cuisiner » avec l’aide de Benoît. Nous pourrons rire une dernière fois ensemble et boire un bon coup.


VIDEO L'AIR DE DALLET